Par contre – en revanche

Par contre - en revanche

Par contre – en revanche, quelle locution doit-on choisir ? Certains vous diront « par contre », d’autres « en revanche »… et tous auront raison. En effet, même s’il est recommandé d’utiliser « en revanche », les défenseurs de « par contre » disposent d’arguments solides. Notre langue regorge de ce genre de polémiques qui mettent en émoi nos linguistes, grammairiens et auteurs célèbres. Quel que soit votre choix entre « par contre » et « revanche », voici les éléments indispensables à votre argumentation si un interlocuteur vous reprenait.

« Par contre » – « en revanche » : deux locutions adverbiales

« Par contre » et « en revanche » sont deux locutions adverbiales. Ce nom féminin trouve sa racine dans le latin « locutio » signifiant « parole, action de parler ». D’après le dictionnaire de l’Académie française, une locution est un « groupe de mots réunis par l’usage en une formule dont le sens ou l’emploi sont nettement déterminés ».

Une locution adverbiale est un groupe figé de mots invariables, équivalant par son sens et sa fonction dans la phrase à un adverbe, invariable lui aussi. Exemple : à ce moment-là, sur place, en vain, jusqu’alors, pas du tout, ex aequo, en bas, en haut, nulle part, à gauche, à droite, à peine…

Les origines de « par contre »

Les détracteurs de « par contre » pensent souvent que cette locution est apparue récemment, car notre langue n’est – presque – plus enseignée à l’école, ce qui nous vaut des tournures de phrases aussi fantaisistes qu’erronées. Ce n’est en l’occurrence absolument pas le cas, car « par contre » fut attesté pour la première fois au XVIe siècle. Il apparaît alors dans les écrits de Jean Calvin, un théologien français, important réformateur et pasteur emblématique de la Réforme protestante. L’homme étant plus connu pour sa rigueur en toute matière que pour son imprécision, il apparaît indélicat de l’accuser de tordre la langue française !

Les contemporains britanniques de Calvin utilisaient l’expression latine « per contra » toujours en vigueur aujourd’hui en anglais. Les Italiens ont préféré modifier l’orthographe et imposer « per contro » comme traduction de « par contre ».

Par contre - en revanche Voltaire

La polémique lancée par Voltaire au XVIIIe siècle

C’est en 1737 que François-Marie Arouet (1694 – 1778), dit Voltaire, lança la polémique concernant « par contre ». Il semble que l’auteur ne remit pas en question son utilisation : il considérait que l’expression appartenait au vocabulaire commercial – et qu’il devait y rester – mais ne convenait pas pour le français littéraire. La raison pour laquelle il rejeta « par contre » demeure malheureusement inconnue.

La proposition de Voltaire confirmée dans Dictionnaire de la langue française plus d’un siècle plus tard

La proposition de Voltaire fut approuvée par Émile Littré dans la première édition de son Dictionnaire de la langue française (1863-1872) ainsi que dans la seconde (1873-1877).

Là encore, la locution est remise en question, mais pas rejetée. Littré l’approuve grammaticalement, mais estime qu’elle « ne se justifie guère logiquement ». Il abonde également dans le sens de Voltaire en jugeant que « par contre » doit être réservé au langage commercial et ne doit en aucun cas être utilisé dans un autre cadre.

Quant à la définition de « par contre », il considère qu’il est un synonyme de « contrairement », alors que nous avons tendance à l’utiliser pour signifier « en compensation ».

Les nuances d’André Gide, exemples à l’appui

André Gide (1869 – 1951), écrivain français et prix Nobel de littérature en 1947, s’attacha plus particulièrement à la signification de « par contre » et « en revanche ». Le premier exprimait pour lui une opposition entre deux propositions, tandis que le second introduisait la notion de compensation et impliquait l’annonce d’un avantage.

Gide justifia son point de vue par des exemples : « Trouveriez-vous décent qu’une femme vous dise : “Oui, mon frère et mon mari sont revenus saufs de la guerre ; en revanche j’y ai perdu mes deux fils” ? ou “La moisson n’a pas été mauvaise, mais en compensation toutes les pommes de terre ont pourri” ? »

Maurice Grevisse, le plus permissif

Maurice Grevisse (1895 – 1980), grammairien belge francophone, est resté célèbre pour son ouvrage de grammaire Le Bon Usage. Il estimait que « par contre » était légitimement entré dans notre vocabulaire au cours du XIXe siècle, « malgré la résistance des puristes » !

Le grammairien s’appuyait sur l’exemple des auteurs français les plus illustres ayant utilisé « par contre » : Anatole France, Henri de Régnier, André Gide, Marcel Proust, Jean Giraudoux, Georges Duhamel, Georges Bernanos, Paul Morand, Antoine de Saint-Exupéry…

L’Académie française pour trancher le débat

L’institution a d’abord admis l’emploi de « par contre », avant de l’exclure en 1932, puis le réhabiliter en 1988. Aujourd’hui, vous trouvez sur son site le commentaire suivant.

 La locution « par contre » ne peut donc être considérée comme fautive, mais l’usage s’est établi de la déconseiller chaque fois que l’emploi d’un autre adverbe est possible.

Vous noterez l’ironie de certains académiciens qui dénoncent « par contre », mais ne se privent pas de l’utiliser. Abel Hermant (1862 – 1950) constitue le plus bel exemple de cette incohérence : il méprise cette « façon de parler boutiquière », bien que l’expression ait été relevée au moins neuf fois dans ses écrits !

Une querelle de style plutôt qu’une querelle de linguistique

Si « par contre » n’est pas une formule fautive, elle demeure mal considérée, tandis que « en revanche » appartient au français soutenu. Si vous utilisez « par contre », vous serez sans doute mal jugé, pour deux raisons distinctes :

  1. Ceux qui ne connaissent pas l’histoire de cette locution penseront à tort que vous commettez une faute de français ;
  2. Ceux qui la connaissent estimeront que votre expression reflète votre faible niveau social, ce qui vous sera préjudiciable.

Pour éviter cet inconvénient, préférez l’idée d’utiliser « en revanche ».

« Par contre » synonyme et « en revanche » synonyme

Si comme Gide vous considérez qu’il existe une différence de signification entre « par contre » et « en revanche », vous n’allez pas sélectionner la même expression en fonction de votre point de vue. Vous utiliserez comme synonyme de « par contre » :

  • au contraire ;
  • par opposition ;
  • à l’inverse ;
  • à l’opposé ;
  • en outre ;
  • d’autre part ;
  • d’un autre côté.

Et comme synonyme de « en revanche » :

  • en retour ;
  • inversement ;
  • du moins ;
  • en compensation ;
  • en contrepartie ;
  • mais.

Par contre - en revanche traduction

Les traductions de « en revanche » et « par contre » en anglais

Si les anglophones utilisent toujours per contra, vous disposez d’autres traductions :

  • nevertheless ;
  • despite that ;
  • regardless ;
  • but ;
  • for all that ;
  • even so ;
  • having said that ;
  • nonetheless ;
  • yet ;
  • although ;
  • anyway ;
  • notwithstanding ;
  • still ;
  • after all…

Il apparaît préférable d’utiliser « en revanche », notamment à l’écrit et dans des discussions formelles. Toutefois, vous êtes en droit de sélectionner « par contre » et disposez désormais des arguments percutants pour justifier votre choix.

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