Le point de suspension et la locution latine et cætera, abrégée en etc. n’ont pas (souvent) la même signification. Voici les indications pour les utiliser à bon escient et pour ne pas hésiter sur leur usage et leur ponctuation.
Le point de suspension
Les points de suspension marquent une interruption du sens qui peut prendre diverses formes.
La signification des points de suspension
Les points de suspension – toujours au nombre de trois – sont utilisés dans diverses situations.
L’énumération
Les points de suspension servent à mettre fin à une énumération qui pourrait se prolonger. Elle est ainsi arrêtée arbitrairement, afin de ne pas surcharger le texte de manière lassante.
Adieu veau, vache, cochon…
L’invitation au rêve
Lorsque les points de suspension terminent un paragraphe, un chapitre ou un livre, ils représentent une invitation à prolonger le texte par la réflexion intérieure. L’auteur laisse sa pensée en suspens et invite son lecteur à imaginer la suite.
Il hissa la grand-voile et mit le cap sur les îles Galápagos…
La réticence
Les trois points de suspension sont utilisés pour exprimer la réticence. Il s’agit alors d’une figure de rhétorique qui consiste à s’arrêter avant d’avoir achevé l’expression de sa pensée, en laissant entendre ce qui n’est pas dit explicitement. L’auteur laisse au lecteur le soin de compléter sa phrase.
On peut comparer la réticence à l’aposiopèse dont les racines grecques évoquent un silence brusque.
– Ce gâteau a une odeur étrange, non ? Il sent la…
– Non, c’est kloug !
L’indécision
Lorsqu’il s’agit de marquer l’hésitation, les trois points de suspension reflètent l’état d’esprit de l’auteur.
« Un jour il dit oui… un jour il dit non… Un jour, c’est noir… un jour c’est blanc… Cet homme ne serait-il pas normand ? »
L’hésitation
L’hésitation est proche de l’indécision, mais elle est le plus souvent involontaire.
« Je… je ne sais plus où j’habite. »
La rupture syntaxique
L’utilisation des points de suspension peut traduire les hésitations et les incohérences syntaxiques du style parlé. On les retrouve fréquemment dans les transcriptions.
« Je crois qu’il est… enfin non, j’ai vu qu’il était… j’ai eu peur en le voyant, car je l’ai cru mort. »
Le respect des convenances
Dès lors que l’auteur veut éviter de citer un nom ou un mot, il peut utiliser les trois points de suspension.
« M…, si haut qu’il siège, ne sera jamais assis que sur son c… »
La tenue exigée par la mélodie
Les points de suspension servent à « faire entendre » une mélodie.
Allons enfants de la Patri…i…e, le jour de gloire est arrivé !
Notez que dans ce cas, le dernier point de suspension n’est pas suivi par un espace, car il s’agit de terminer le mot.
Souligner l’interruption dans un récit
Les points de suspension permettent de souligner l’interruption d’un développement en terminant un paragraphe avec trois points, puis en débutant le paragraphe suivant avec trois nouveaux points de suspension.
Je savais que j’étais trop énervé pour m’endormir. Je sais que si je pense trop, je ne peux pas dormir…
… Je me suis réveillé soudainement, il faisait nuit noire.
L’interruption au milieu d’un mot
L’interruption au milieu d’un mot est fréquente dans un dialogue. Les points de suspension indiquent qu’un interlocuteur est interrompu ou que plusieurs personnages parlent en même temps.
– Vous voulez parler du cach…
– C’est bien lui, Moby Dick, le cachalot blanc.
L’interruption d’un thème pour passer à un autre
Les trois points de suspension permettent de sauter du coq à l’âne. Cette interruption peut prendre place au sein d’une phrase, mais aussi au milieu d’un mot.
« Je me suis retrouvé dans ma chambre d’enfant… Le sentiment de nostalgie n’est jamais très éloigné lorsque le passé refait surface. »
Le passage d’une page à une autre
Lorsqu’un texte est continué à la page suivante, il est possible de l’indiquer en bas à droite de la page, de cette manière : …/…
L’exception
Il existe une exception pour laquelle le point de suspension n’est pas multiplié par trois, mais est utilisé en chaîne pour associer deux éléments et obtenir une présentation cohérente et lisible.
1 kilo de framboises ………………………………. 15 €
1 kilo de cerises ……………………………………… 5 €
La cohabitation des points de suspension avec les autres ponctuations
Le premier point de suspension est collé à la lettre qui le précède et le dernier point de suspension est suivi d’un espace, sauf lorsqu’il interrompt un mot, comme on l’a vu plus haut pour respecter une mélodie.
Les points de suspension se confondent avec le point final, comme avec le point abréviatif. On ne met jamais un quatrième point de suspension après les trois points pour indiquer la fin de la phrase.
Les points de suspension coexistent avec la virgule, le point-virgule, le point d’interrogation et le point d’exclamation. Ils précèdent ces autres ponctuations lorsqu’ils signifient que la phrase pourrait se prolonger, par exemple pour couper court à une énumération.
Au cours de ta vie, quels animaux as-tu élevés : des chats, des chevaux, des moutons… ?
Les points de suspension suivent les autres ponctuations lorsqu’il s’agit de terminer la phrase.
J’aime tous les animaux, c’est la raison pour laquelle ma maison leur reste toujours ouverte. Et pourquoi pas ?…
Faut-il utiliser une majuscule après le dernier point de suspension ?
Pour savoir si vous devez utiliser une majuscule, vous devez considérer votre phrase dans sa globalité. Si un point de suspension la termine, il faudra le faire suivre par une majuscule. Si les trois points sont milieu de la phrase, vous devez continuer à écrire en minuscules.
Si les trois points de suspension peuvent être remplacés par un point, il faut mettre une majuscule après. Si vous pensez que l’on peut les remplacer par une virgule, deux-points, un point-virgule ou par aucune ponctuation, il faut continuer en minuscules.
Et cætera, et cetera, etc.
Plutôt que d’abréger une énumération en la terminant par trois points de suspension, vous pouvez employer la locution latine « et cetera » ou « « et cætera », abrégée par etc. Elle signifie « et tout le reste ».
Etc. est toujours suivi d’un point puisqu’il s’agit d’une abréviation.
La ponctuation après etc.
Le point abréviatif qui suit etc. se confond avec le point de la fin de la phrase.
Il ne faut jamais mettre trois points de suspension après etc., ni répéter l’abréviation (etc., etc.). Il s’agit dans les deux cas de pléonasmes.
Étant un pluriel neutre, etc. s’emploie pour désigner des choses.
Des pommes, des poires, des scoubidous, etc.
Il est donc déconseillé d’écrire (ou de dire) :
Des chanteurs, des poètes, des écrivains, etc., mais il faudra préférer des chanteurs, des poètes, des écrivains…
Bonjour,
Question : J’ai du mal à distinguer entre une énumération et une expression tronquée.
Exemple : comparons
– Pensons aux grands thèmes de la condition humaine : la vie, l’amour, la mort, la liberté…
Est-ce que l’auteur de cette expression voudrait exprimer « la liberté » comme une entité générale entre autres éléments ou bien exprimer l’idée (sciemment tronquée) de « la liberté d’avoir une famille »?
Dans le premier cas, j’aurais écrit l’expression en ajoutant une virgule après « liberté ». Parce que sans cette virgule, la suspension de l’idée « liberté » y est exprimée.
Merci de me partager ce que vous en pensez.
Cordialement.
Bonjour,
Je pencherais pour la première explication : « la liberté » comme une entité générale. S’il voulait parler de « la liberté d’avoir une famille », il aurait écrit l’expression en entier, me semble-t-il.
Cordialement.